Pour que le réemploi ne reste pas une belle idée mais soit suivi d’effets, l’implication de tous les acteurs est nécessaire. S’entourer de personnes compétentes dans le réemploi et permettre un suivi relève d’un engagement fort des maîtrises d’ouvrage, représentant du temps et de l’argent. De plus, cela implique de sortir du schéma de projet traditionnel, de revoir le processus décisionnel, le rôle de la maîtrise d’œuvre et la gestion lors des différentes phases du projet.
La Halte Fontenaysienne a défini les ambitions de réemploi en fonction de la temporalité, de l’économie et de l’avancement du projet. Le partenariat et la confiance entre les équipes de maîtrise d’œuvre (MOE) et de maîtrise d’ouvrage (MOA) ont été très importants, la conception fine se réalisant au fur et à mesure du curage du bâtiment et des opportunités de ressources en fonction de l’avancement du projet.
Le rôle des entreprises dans le réemploi est également prépondérant. Cela demande une logistique et une organisation spécifiques plus contraignantes. À travers notre expérience, certaines notions nous semblent importantes pour s’assurer de la bonne mise en œuvre :
– Un espace de stockage pour assurer des conditions de travail idéales et garantir l’intégrité des ressources post-chantier.
Pour la Maison des Familles, la réalité du chantier ne permettait pas d’imaginer un espace de stockage. Les ressources ont été déplacées en fonction de l’avancée des travaux. Les compagnons de l’entreprise y ont donc passé du temps et réalisé des tâches peu valorisantes. Ce mode opératoire fait porter à l’entreprise de travaux la responsabilité des ressources déposées par l’entreprise de curage spécialisée. Les efforts supplémentaires pour adapter l’organisation du travail ont pu frustrer les compagnons peu expérimentés dans la démarche de réemploi.
– Des protections suffisantes doivent être mises en place avant toute intervention pour ne pas dégrader les éléments existants à conserver… avec le défaut de les rendre indistinguables
À Fontenay, nous avions imposé des exigences spécifiques afin de protéger les éléments déposés lors de la phase de curage par Tricycle. Cependant, face à la réalité d’un chantier de petite taille sans espace de stockage, les matériaux devaient être constamment déplacés. Cela a causé des casses. La précision de l’inventaire a également été remise en question au cours du chantier, lorsque les emballages protecteurs limitaient la prise de mesure ou l’accès aux matériaux pour connaître leurs caractéristiques exactes.
– Aspect économique
Réaliser un diagnostic des ressources, aménager des espaces de stockage, et reconditionner des ressources demandent du temps et de l’argent. En théorie, le réemploi permettrait d’économiser de l’argent puisque la matière existe déjà. L’expérience et les professionnels spécialisés montrent, au contraire, que les économies rêvées par le réemploi peuvent ne pas être au rendez-vous. Il s’agit plutôt de déplacer l’économie de l’objet vers l’humain, de valoriser la compétence de transformer et de faire avec l’existant et ses contraintes.
À Fontenay, un vase communicant s’est produit lors du réemploi de la cuisine existante. Cela a permis de réadapter cette cuisine dans un nouvel agencement et de créer seulement quelques meubles sur mesure, en complétant les meubles anciens avec des pièces neuves. Le coût d’une cuisine neuve globale s’est retrouvé dans le travail de menuiserie, qui a consisté à croiser réparation, adaptation et combinaison des pièces.
À noter que certains matériaux sont plus facilement réemployables que d’autres et, suivant les objectifs globaux, l’arbitrage sur un chantier peut justement être facilité pour éviter des surcoûts trop importants pour le maître d’ouvrage.
La démolition et la mise en benne systématique sont les grands générateurs de déchets dans le domaine du BTP. Il est impératif aujourd’hui d’apprendre à déconstruire plutôt que de démolir afin d’éviter la production de déchets avec des ressources encore pleines de potentiel. Pour l’architecte, l’adaptation et la flexibilité sont essentielles. Elles sont la condition d’ajustement aux contraintes, aux imprévus et aux opportunités envisagées en projet, qui se concrétisent ou non en cours de chantier. En s’appuyant sur une équipe solide et en acceptant et prévoyant que la conception reste adaptable, la maîtrise d’œuvre peut intégrer efficacement des pratiques de réemploi, tout en répondant aux objectifs environnementaux et économiques les plus ambitieux.